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(Texte refusé par la presse - 8 novembre 2011)
L’Effet Papillon...
"Le papillon sera-t-il rouge ?"
dimanche 27 novembre 2011, par , , , , , ,
Au Boulevard de l’Empereur vient d’être lancée l’opération « sauvons nos élus », dont le résultat a été publié dans Le Soir du 7 novembre.
Le Parti socialiste s’apprête manifestement à vivre une nouvelle crise de schizophrénie aiguë : il aurait, écrit-il, le cœur dans la rue… mais des « responsabilités » au gouvernement. Cette contradiction imbuvable, il semble ne pas savoir comment la faire avaler à son électorat et aux organisations qui lui sont proches. Depuis le mois de juin, il sait que les syndicats sont opposés à la régression sociale contenue dans la note de son président devenu formateur. La FGTB, en particulier, critique de plus en plus ouvertement et durement le prix qui sera payé pour permettre à un homme de réaliser son ambition de Premier ministre… A moins d’un an d’une échéance électorale qui verra une grande partie des signataires de la carte blanche se présenter devant l’électeur avec un bilan social qui risque d’être désastreux, cette défiance des militants provoque une réelle panique.
Afin de tenter d’éteindre l’incendie qui couve, le PS s’est donc fendu d’une opération de communication articulée autour d’un texte dont le titre, « Un gouvernement, mais pas à n’importe quel prix ! », feint d’indiquer que les cadres du parti hésiteraient à participer au pouvoir. Tout le texte montre pourtant que le choix d’y aller est déjà fait, et Philippe Moureaux, cité dans le même journal, réfléchit d’ailleurs au remplacement d’Elio Di Rupo devenu Premier ministre…
En fait, le texte est d’une pauvreté affligeante. Après le passage obligé de compassion envers les travailleurs (qui attendent plutôt des actes concrets), il tente de justifier de manière alambiquée la « rigueur » imminente. Mais au profit de qui ? Visiblement pas des travailleurs. Comme en Grèce, il semble plutôt que ce soit au profit des « marchés financiers » que l’on prend bien soin d’épargner. La FEB ne s’y est d’ailleurs pas trompée, se réjouissant de ce texte le jour même de sa parution.
Les signataires du texte ne sont pas vite gênés : depuis plus de vingt ans, le PS ressasse la rengaine du « sans nous, ce serait pire » pour faire accepter les privatisations (rebaptisées « consolidations stratégiques »), la « rigueur » (pour éviter le terme « austérité »), les intérêts notionnels, le chipotage de l’index, un blocage des salaires ou un « pacte de solidarité entre les générations » durement combattu par les travailleurs en 2005. Lors des négociations du dernier accord interprofessionnel, la FGTB a bien dû constater – pour la énième fois – que le PS ne donne plus le même sens qu’elle au qualificatif « socialiste » censé les unir.
Alors que l’on aurait aimé y retrouver la notion d’égalité, le texte ne parle que d’équité. Il propose « d’assumer la rigueur ensemble », alors que depuis trente ans, les revenus du travail dans la part du PIB ne cessent de régresser au profit des revenus du capital. C’est à cette inégale répartition des richesses que devrait s’attaquer le PS, et non aux prépensionnés et aux travailleurs sans emploi.
Ce que nous aurions voulu lire dans ce texte signé par les mandataires du PS, c’est où se situent leurs points de rupture. Les lignes rouges qui ne pourront être franchies. Défendront-ils le maintien de l’indexation automatique, non trafiquée, des salaires ?
Supprimeront-ils ce mécanisme de fraude fiscale légalisée que constituent les intérêts notionnels ? Rétabliront-ils les tranches supérieures de l’IPP pour une réelle justice fiscale ? Exigeront-ils des moyens matériels (budget, personnel) et légaux (levée du secret bancaire) pour lutter contre la fraude fiscale (20 à 30 milliards d’euros par an) ? Feront-ils de l’impôt progressif sur les fortunes une priorité ? Inverseront-ils les logiques nuisibles de privatisation du rail, de la poste, de l’énergie ? Se contenteront-ils de déplorer les pertes d’emplois à chaque fois qu’un Mittal ferme boutique ou seront-ils prêts à impulser une réelle politique industrielle à long terme ? En somme, le PS est-il encore capable d’enthousiasmer le peuple de gauche ?
Car ce que l’on aimerait lire pour une fois, c’est un vrai projet de société socialiste. Pas une version édulcorée de ce que la droite propose. Un projet d’émancipation humaine qui tire tout le monde vers le haut. Pas un projet qui cherche à gérer comme il peut une misère grandissante créée par un système économique que l’on a renoncé à contester. Un projet de société qui ne se contente pas de plaindre les travailleurs d’ArcelorMittal, mais qui se prononce en faveur d’une mise sous statut public de la sidérurgie intégrée.
A présent, reposons clairement la question : quel est le prix que le PS est prêt à faire payer aux travailleurs pour rester au gouvernement ? Nous craignons cette réponse : le même que depuis vingt ans. Vingt ans marqués par le détricotage du service public par les privatisations (dont Dexia vient de nous rappeler l’efficacité et l’intérêt…), par les cadeaux fiscaux aux entreprises et aux plus riches. Vingt ans marqués par des attaques de plus en plus prononcées contre les conquêtes du monde du travail, les droits sociaux, la concertation sociale, les travailleurs privés d’emploi…
Le texte des parlementaires du PS a un immense mérite : celui d’annoncer clairement la couleur aux travailleurs. Le PS a fait un choix, celui de rester au gouvernement et non celui de rejoindre les travailleurs et les citoyens sur le bitume des manifestations. Le choix d’un gouvernement papillon, insecte dont il devrait se souvenir que la durée de vie sous cette forme est inversement proportionnelle à son temps de gestation…
Collectif Le Ressort : Yannick Bovy, Didier Brissa, Pierre Eyben, Maximilien Lebur, Sylvain Poulenc, Michel Recloux et Olivier Starquit
Messages
1. Aspiration et dislocation, 17 décembre 2011, 18:56, par Paul Willems
Je suis partagé. Il m’est difficile de prétendre que le P.S. a trahi, qu’il se serait mis à faire le boulot de la droite dans le seul but de rester au pouvoir. Il me semble que c’est simplifier outrancièrement les choses que de dire cela. Je constate que la Belgique n’a pas encore souscrit au programme d’austérité préconisé par les autorités européennes, qu’en principe les allocations de chômage seront encore payées aux isolés, et à bien d’autres. Les pensions également. La liaison du salaire à l’index est préservée. Tout cela grâce au P.S.. Pour moi, ce dernier mérite plutôt des félicitations. Du moins jusqu’ici. Les négociations ont été longues et difficiles justement parce que le P.S. n’a pas cédé aux exigences des partis libéraux. Le prix à payer est une cote négative des agences de notation et des mesures qui affecteront certes le bien être des travailleurs, et des plus défavorisés, mais l’essentiel de l’aide est maintenue. De toute façon que faire ? Si le P.S. optait pour la suppression des intérêts notionnels, ce qui reviendrait à exagérer dans un autre sens, la catastrophe serait bien pire. On aurait peut-être droit à une dictature, ou bien la Belgique éclaterait. Le chômage exploserait suite à la fermeture ou à la délocalisation de plusieurs grandes entreprises. Les travailleurs le suivraient-ils jusque-là ? Le soutiendraient-ils ? Si le P.S. se mettait à prétendre qu’il fallait mettre fin à l’injustice du chômage au besoin en partageant le travail, en divisant les salaires en deux, les travailleurs le soutiendraient-ils ? Non. Pourtant voilà une mesure de gauche, une mesure juste... Je pense que le P.S. en serait réduit à faire un score ridicule aux élections. DU moins, le temps que le peuple comprenne que c’est la meilleure solution, qu’il y a d’autres valeurs dans la vie que la bagnole. Mais, dans l’intervalle, c’en serait fini d’un parti de gauche au pouvoir.
Bien sûr, à force de faire des concessions à la droite, l’on sape à petit feu l’idée que les travailleurs se font du socialisme. Mais l’on maintient l’essentiel, cette solidarité qui est la seule chance de salut de la société. On lui donne la possibilité de s’organiser, de se réorganiser. N’est-il pas temps d’analyser et de critiquer certains a priori ?
Quelle réelle alternative, quelle alternative tenant compte de tous les aspects de la crise financière, des contraintes existantes, monétaires, sociales, autres, quelle alternative au capitalisme faut-il faire valoir ? Quelle représentation la gauche a t-elle jusqu’ici de la société et de son avenir ?
Le capitalisme est sans cesse obligé de provoquer des crises pour éviter une remise en cause, pour éviter le constat de ses erreurs, de son non-fonctionnement. Mais, d’un autre côté, il va de l’avant. Des parties du monde se développent alors qu’elles étaient sous-développées. De nouvelles démocraties surgissent là où on ne les attendaient pas. Sur un autre plan, il devient nécessaire de l’empêcher de causer certains dégâts. Il est en train de perdre la maîtrise, de provoquer des catastrophes pour en profiter, et non plus seulement de profiter d’une crise. A cause de son contrôle des moyens de communication de masse, la droite réussit à instrumenter la démocratie qui s’est transformée en un levier puissant pour justifier des stratégies et des politiques inacceptables. Des tabous, des interdits continuent à grever le débat politique public.
Qu’est-ce que la gauche est en mesure de revendiquer sans se mettre elle-même sur la touche, s’éliminer elle-même ? Pour commencer elle devrait donner une explication historique du durcissement de la situation économique, sociale, politique survenu dès les années 70 ! Mais cela suppose qu’elle soit en mesure de faire publier des textes à caractère scientifique. Hélas, la science est un des principaux bastions de la droite. Nous n’avons encore accédé à aucune égalité. Il serait inconsidéré par exemple d’exiger que certains revenus de la propriétés soient considérés comme des revenus au même titre que les revenus du travail. Ainsi un chômeur peut-il toucher des loyers, mais pas des droits d’auteur, du moins sans perdre une partie de ses allocations.
Il est nécessaire de concevoir une alternative, un programme nouveau, il est pour cela indispensable d’approfondir notre analyse de la situation politique, sociale, actuelle. Il s’agit peut-être en même temps de fonder un parti. Mais crier, s’indigner sans faire état de raisons cohérentes, en tout cas sur un plan politique, car évidemment on peut toujours s’indigner, à quoi bon ! S’indigner, c’est ce que fait aussi la droite qui se formalise, s’indigne systématiquement dès que sont remis en question ses privilèges, ses perspectives de profit, ses droits aussi inégaux soient-ils, les programmes scolaires qui servent à fabriquer des élites dociles et favorables à son point de vue, intéressées par son bien-être, la sécurité qu’elle est seule en mesure de s’offrir. La droite se juge perpétuellement menacée, visée. Mais dans la mesure où elle seule ne se sent pas concernées par ses conséquences, elle refuse aveuglément de tenir compte de faits gravissimes. Non, la nature ne serait pas en danger. Pour la droite, peu importe le coût social de la crise du moment que l’économie tourne : bref, les banques, que le profit est au rendez-vous. Qu’est-ce que l’économie telle qu’elle la conçoit sinon le productivisme, la consommation à outrance, l’exclusion et la misère, le gaspillage scandaleux des ressources existantes, l’exploitation éhontée de la main d’oeuvre du second monde et du tiers-monde. Elle admet parfaitement l’exploitation, l’esclavage. Elle n’a aboli l’esclavage que pour mettre la main directement sur de vastes régions du monde et sur leurs ressources. La gauche a toléré tant de choses.
Mais la gauche radicale aussi bien parlementaire, en gros, n’a jamais fait que défendre les emplois industriels dans les sociétés capitalistes développées, et ensuite l’emploi, sans pour autant remettre en cause l’organisation économique existante. Du moment que certains fléaux ne concernent pas ses électeurs, que l’organisation industrielle, voire économique, autrement dit les banques, n’est pas remise en cause. Dans le reste du monde, ses théories n’ont pas voix au chapitre. D’où la nécessité du communisme qu’elle a combattu avec autant d’acharnement, si pas davantage que la droite. La gauche est profondément nationaliste et donc incapable de critiquer l’économie qui s’est globalisée. Elle refuse la mondialisation, mais elle ne la refuse pas fondamentalement. Elle n’est pas capable de mondialiser ses propres idées, parce que cela impliquerait la mort du capitalisme, autrement dit la mort du socialisme, tel qu’elle le conçoit. Un des seuls slogans cohérents qui permettrait de susciter l’unité de la gauche à l’échelon international, c’est l’égalité des salaires et des prix à l’échelon mondial. Mais elle rejette cette idée sous n’importe quel prétexte.
La querelle qui vous oppose au P.S. ne me semble pas suffisamment profonde. Elle me paraît factice. Il me paraît plus urgent de militer pour l’unité des travailleurs indiens, belges, russes, américains, et, à l’échelon national, pour le partage du travail, le travail mi-temps, pour une réinsertion intelligente, et non pas brutale des chômeurs.
L’état est le ressort de toutes sortes d’injustices. Il organise en grande partie également la solidarité avec les victimes de ces injustices... Il ne procède cependant pas n’importe comment. Il promeut l’industrie médicale et pharmaceutique et la malbouffe, mais en même temps, il finance les services de santé publics, la mutuelle. Tout cela résulte de compromis politiques. Comment remettre en question ces compromis ? Comment proposer quelque chose de neuf, de différent, dans un climat de surveillance intergouvernementale, voire internationale ? Tout est là.
2. L’Effet Papillon..., 25 février 2012, 19:18, par Djavit
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